En 1938, Freud avec Construction en analyse donne un statut métapsychologique à la notion de construction, déjà présente dans ses écrits. Il en précise les contours.
Alors que ,dés le début, il avait fait de l’interprétation le cœur du travail analytique, progressivement soumise à rude épreuve par la pratique, sa conviction qu’il « ne s’agit que de découvrir le choix objectal infantile et les fantasmes qui se sont tissés autour de lui » (1915, p.126) a été ébranlée. Freud en effet constate que dans certaines situations, la répétition, inhérente au processus, peut être au service de la résistance dans la difficulté à se remémorer et à lever l’amnésie infantile. La répétition peut se muer en compulsion à répéter qui est actualisation en séance d’un état morbide. En 1920 dans Au delà du principe de plaisir, il identifie clairement que la compulsion de répétition mine le transfert et que, dans ces cas ,la force pulsionnelle et son besoin de satisfaction à tout prix, ne rentre pas dans le cadre représentatif général à l’origine d’un travail d’après-coup lié à la remémoration.
La question des limites et de l’issue de l’analyse se pose. Question que Freud ne cessera de creuser et qu’il approfondit notamment dans Analyse avec fin, analyse sans fin. « Quels obstacles se trouvent sur le chemin de la guérison analytique ? » écrit-il( 1937c, P.236). Trois mois plus tard, avec Construction en analyse, il propose une issue élaborative aux apories sur lesquelles il semblait avoir buté. Il différencie l’interprétation qui permet de dévoiler le refoulé, le latent, le caché pour révéler le sens du symptôme, de la construction qui s’impose lorsque ce ne sont plus les règles d’un fonctionnement névrotique de bon aloi qui sont à l’oeuvre. Dés lors l’analyste à partir d’indices échappées de l’oubli doit « deviner ou plus exactement construire» ce qui est inaccessible au sujet, il doit lui proposer une version psychique de son histoire, « un morceau de sa préhistoire ». Il s’agit alors moins de lever un refoulement que de donner forme et sens, à ce qui n’a pu se représenter, quand quelque chose manque de façon plus radicale.
La construction participe d’un processus de création du passé.
Avec ce texte d’une grande générativité, Freud initie les recherches sur le négatif, sous l’angle de la potentialité représentative dans la cure et de la cure. L’analyste est conduit à porter son attention sur ce qui a pu entraver l’organisation psychique du sujet, sur ce qui a produit des impasses subjectives.
En creux on voit se dessiner une autre conception de ce que peut être le travail analytique.
Nous nous proposons d’évoquer cette trajectoire de l’interprétation à la construction pour, à la lumière de nos pratiques cliniques, interroger ce concept. A quel moment s’impose une construction? Que construit-on ?